Enjeux du présent au nom du passé : Qui peut parler de quoi ?
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La fabrique de l’asile sans le droit à l’asile. La gestion différentielle des exilés « non européens » en Turquie
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« Réfugié » (mülteci), « migrant » (göçmen), « invité » (misafir), « demandeur d’asile » (sığınmacı)… Afin de mieux comprendre la manière avec laquelle le pouvoir politique accueille les populations en exil en Turquie, cet article questionne la production des catégories étatiques de l’asile des années 1930 jusqu’à aujourd’hui. Pour les « non Européens », c’est l’octroi de statuts temporaires qui prévaut, créant des exilés « ni désirables, ni expulsables », comme c’est le cas dans la plupart des pays dits « du Sud ». Cet article décrit la réticence structurelle de la Turquie à l’installation durable des exilés « non Européens ». Il expose par ailleurs les logiques d’un traitement différentiel de certaines nationalités ou de groupes (religieux, ethniques) et les différents moyens qui le rendent possible. L’analyse des « mots » et des définitions juridiques est couplée à celle des usages de ces catégories. Arrangements avec le droit international, contournements de la catégorie de réfugié, vides juridiques, régime de protection exceptionnel, recours persistant à l’infra-droit, marge explicite de discrétion administrative : ce large répertoire d’actions permet aux autorités politiques et administratives de se ménager un espace de latitude pour inclure, tolérer, marginaliser ou exclure les exilés au gré des priorités politiques nationales. Si le régime d’inclusion et d’exclusion de l’État s’ajuste en situation, il se structure toutefois historiquement autour d’une grille de lecture ethno-confessionnelle. L’accueil des exilés depuis le début du conflit syrien en 2011 ne fait pas exception. Les autorités ont renoué avec un traitement « à la carte », couplé avec l’adoption d’un régime de protection dégradé, inspiré du droit communautaire européen.