Enjeux du présent au nom du passé : Qui peut parler de quoi ?
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Revue
N60 | 2023
Sociétés politiques comparées, 60, mai-août 2023
Varia
Le temps et la montre en Afrique. Autour d’une étude méconnue de Georges Balandier
Au début des années 1960, un grand nombre d’États africains viennent d’accéder à l’indépendance. Avec elle s’ouvre un marché potentiellement prometteur pour les industries occidentales, notamment horlogères. Dans un contexte d’accroissement des échanges de toute nature à l’échelle mondiale, du travail salarié, d’expansion du capitalisme et de la machine, de formation et de construction des communautés nationales, la Fédération horlogère suisse confie à l’anthropologue Georges Balandier, déjà connu pour sa sociologie de la « situation coloniale », une étude visant à déterminer les potentialités du marché de la montre en Afrique. Il est ici question de mettre en perspective ce texte, jamais publié, qui, par l’entrée d’un objet en apparence banale, s’impose à la fois comme une analyse pionnière ainsi que comme une source historique pour saisir les rapports entretenus par les Africains avec le temps… et le pouvoir.
Mao et les bandits. L’enrôlement des brigands et des sociétés secrètes dans la révolution chinoise (1919-1954)
La relation historique du Parti communiste chinois aux bandits et aux sociétés secrètes est longtemps restée intrigante, faute de sources disponibles. En 1966, grâce au travail pionnier de Stuart Schram, on avait pu découvrir l’appel lancé en 1936 par Mao Zedong aux fraternités jurées dites des Aînés et des Anciens (Gelaohui), alors qu’il tentait de reconstruire le Parti dans le soviet du Nord Shaanxi après l’épisode de la Longue marche. La compréhension de ce sujet était depuis restée en suspens. À partir de la somme de Schram, Mao’s Road to Power (1994-2023), il est désormais possible de reprendre cette histoire, incluse dans celle de l’émergence du communisme chinois au temps de la Chine républicaine. À rebours d’une supposée appétence de Mao pour la marginalité sociale violente, il apparaît que le Parti communiste chinois, alors sous la tutelle de l’Internationale communiste, a dû résoudre, sur le terrain et au nom de la révolution, son rapport au lumpenprolétariat comme au Front Uni.
Charivaria
Politique et histoire : à propos de L’Empire terrestre. Entretien avec Yves Chevrier
À l’occasion de la parution de L’Empire terrestre, la rédaction de Sociétés politiques comparées s’est entretenue avec son auteur, Yves Chevrier, pour qu’il revienne sur les enjeux de la généalogie du pouvoir chinois retracée dans ce volumineux ouvrage, sur sa méthode d’enquête – un voyage en histoire qui repère des moments historiques différant des récits convenus de la politique chinoise contemporaine – comme sur les concepts qu’il mobilise. Se distanciant des schémas binaires courants – pouvoir/société, État/société civile –, Yves Chevrier explicite comment la Chine d’aujourd’hui en tant qu’institution politique singulière, ni démocratique, ni totalitaire, résulte non d’une quelconque emprise de la « longue durée » sur le temps présent, par-delà l’épisode révolutionnaire, mais des transformations politiques intervenues depuis la fin de l’Empire et celle de Mao.
