Liberté, censure, autocensure : les défis de la recherche Un hommage à Fariba Adelkhah

Numéro: 
55
Date: 
Décembre 2021
Année: 
2 021

Type de pub.:

Auteur: 
Peter Geschiere
Résumé: 

Lors de ma conférence d’introduction à une rencontre européenne pour soutenir Fariba Adelkhah, privée de liberté depuis plus de 800 jours par le régime iranien, et son combat pour la liberté de la recherche académique, j’ai analysé les contraintes que j’ai eues à expérimenter dans mes recherches de terrain. Rétrospectivement, un thème central pour moi a été le glissement facile de la censure vers l’autocensure. Noam Chomski et, après lui, Johan Coetzee avaient déjà prévenu qu’un tel glissement est d’autant plus effectif qu’on n’en est guère conscient. Dans mon cas, des expériences intimes lors de mon premier stage de terrain en Tunisie en 1968 qui semblaient menacer « la continuité de mes recherches » – véritable mantra durant ce stage – m’ont fait censurer mes choix ultérieurs de thèmes de recherche avec une évidence qui me paraît rétrospectivement assez étonnante. Les réalités postcoloniales ont joué un rôle dans ce contexte, imposant des conclusions plus ambiguës concernant les rapports de pouvoir sur le terrain que le self-reflexive turn de l’anthropologie actuelle ne le suggère. De ce point de vue, l’oeuvre de Fariba Adelkhah est riche d’enseignements par la sensibilité de ses approches sur le terrain et la subtilité de ses analyses.